Le tu





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96 pages
Prix du numéro :
15
euros

Numéro 29 : Le tu

Textes et poèmes de Jacques Ancet, Serge Torri, Amina Saïd, Hélène Vidal, Jean-Gabriel Cosculluela, Olivier Deck, Vénus Khoury-Ghata, Frédéric Pouchol, Vahé Godel, Georges-Olivier Chateaureynaud, Ferrucio Brugnario, Françoise Ille, Michel Lac, Alain Suïed, Jean-Paul Gavard-Perret, Rémé Gomez, Eric Barbier, Paul Sanda, Paul-Aubry Pomiers, Billy Dranty, Jong N Woo, Robert Nédélec.

10 notes de lectures (par Jacqueline Saint-Jean et Françoise Ille).

Réalisation graphique de la couverture par Marie Thusseau.


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LE MIROIR EST UN LIEU VIDE
ET LE TU UN JE ETEINT

Serge Torri

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    Le bois

    Des jours entiers on avait vu s'ouvrir la faille – des jours
entiers de clarté louche et de bouches qui s'appelaient – des
jours entiers d'outre-dimanche.

   
Et puis le sang s'était caillé, sous la membrane ; on s'était
abreuvé aux sources du mensonge. On avait déclenché les
sirènes d'avant qu'on ait nommé le feu.

    Et l'on avait glissé la lame sous l'écorce ; on avait écorché
l'âme blanche et l'aubier, et l'on avait trouvé de belles
ressemblances entre le berger

    Et ses troupeaux d'arbres. Il reste aujourd'hui empreintes
de doigts sur manche de hache, entailles au plus clair de la
pierre nue, carre dans le bois

    Dont on fait l'étoile. Et tu t'habitues à ces formes floues qui
dansent derrière un rideau de vent – et tu t'habitues à tes
désirs flous de lapidations et déchirements.

    Ah ! marcher encore dans les allées sombres qui mènent
ailleurs, le cœur en écharpe. Ah ! laisser encore la main se
blesser à chercher la nuit tassée sous les feuilles.


 Robert Nédélec

 



L'ombre d'un midi sur l'invitation
Tenir, saisir
ce qui ne pourrait être autrement
se dire
Ailleurs
l'intruse
la taiseuse

Tu, ne devient pas autre
Ne s'éveille pas autre
Le nom ne se résout pas
Tu,  n'est pas autre
Tu,  n'est pas autre


Eric Barbier

 



Il n'y a rien auprès de moi

Que toi
Signes avant coureur
La plaie comme le non dit
Tu dis l'aurore
Et tout s'arrête.


Michel Lac
(Le tu seul, extrait)

Editorial, par Jacqueline Saint-Jean



Syllabe nue, lèvres tendues, comme au commencement. Corps perdu.
Cordon vocal. Qui articule, relie, sépare. "Où es-tu, mon autre pôle ?"…
T pour tendre vers traverser la distance tourner autour toucher à tâtons
Psyché dans le noir Lettre barrée. Ne te retourne pas. Réponds Eurydice…
U ouvert d'utérus à urne U vert univers, unique, unir... 
Rituels d'attraction, parades, turbulences, têtes, masques, rôles, doublures,
entre désir et reflet fasciné de l'autre, violence et volupté.
La deuxième personne, singulière, comme la première.
Proche et lointaine. Etrange et familière. Une et multiple. Insondable.
Terra incognita.
Dedans/Dehors, mon semblable, mon dissemblable, "cet étranger vêtu de noir/ qui me ressemble comme un frère" ,
alter ego qui m'altère. Hors là. Horla.
Mon autre qui murmure au terrain vague intérieur. 
Vers qui je tends. Présence, absence, appel silencieux.
De chair ou d'encre, lequel est simulacre ?
Nous sommes trois peut-être ou plus encore.
Tu passes, je t'invente, incessante passante…

Leurres d'être à tu et à toi , pacotilles cathodiques ou mimes numériques.
Le tien, les tiens - laisse, licou, lasso - le possessif tend ses menaces.
De sujet à sujétion la mise en tutelle, de tu à tue  l'ombre de la  Veuve.
"Frérocité". Fracternité. 

La syllabe rejoint son double de silence. Motus, Omerta.
Muselé, baillonné, langue avalée, gelée, coupée.
Ce qui gît au verso, secret, scellé, enfoui, loup y es-tu ?
Ce qui est sans nom, le puits sans fond, l'innommable.

Au miroir des mots la langue se retourne sur la clé perdue…



Jacqueline Saint-Jean 
(italiques : Michaux Musset Maupassant)

 

 


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